Editofu #1

« 

Cher Marc Zuckerberg,

Aujourd’hui j’ai mangé une salade avec des pommes, elle était joliment présentée… »

Vous aussi vous trouvez qu’il y a quelque chose qui cloche là-dedans ?

Personnellement j’adore partager avec mes ami.es, connaissances, collègues, etc., mais le fait qu’à chaque fois que je leur envoie une photo de mon chat un petit millier de trackers analysent ce que je leur dis et quel produit je pourrais être susceptible d’acheter, en tout cas quelle idée de produit pourrait me faire imaginer qu’avec ça, je me sentirai vraiment mieux et que la vie aura bien plus de goût. Que ces infiltrés établissent mon profil client, mon profil utilisateur, définissent par des suites algorythmiques la pertinence de ma publication pour l’établissement de la suprématie de leurs produits…

Je ne sais pas, ça me gêne…

A la fois, c’est flatteur, ils s’intéressent à moi, encore plus que le vendeur de Darty et c’est pas peu dire ! Mais, non, je ne sais pas, il y a quelque chose qui me sonne faux, une fausse consonnance…

En plus moi ça m’intéresse la consonnance et là, ouai… je le sens pas.

Du coup j’ai quand même envie de partager des trucs avec une communauté de gens que j’apprécie, que j’ai croisé.es au fil de l’eau, qui pourraient se poser les mêmes questions que moi, avec qui on pourrait partager des impressions, des découvertes, des rêves, des projets, des récits…

Et là y a mon amie chargée de diffusion qui me dit : « Tu pourrais faire une espèce de newsletter ! Ce serait plus toi, tes valeurs et puis tu pourrais raconter plus de trucs !».

« Hey ! Pas fou ça ! » Que j’me dis.

Et puis voilà, après décantation, mûrissement, distillation, voilà le jaillissement spontané, il est là. Vous êtes en train de le lire.

Bon mais, ce n’est pas un roman non plus, à la base c’est un mail, qui se lit entre deux factures et une offre promo exceptionnelle ( !! ), la main sur le portefeuille, prêt.e à dégainer à tout moment la carte gold de la banque postale… J’ACH€TE !!!

Que voulez-vous, on trouve son frisson où on peut et il faut bien dire qu’il n’en reste pas beaucoup de gratuits des frissons…

Oh le réac !

36 ans et demi et je regrette déjà le bon vieux temps…

Ah oui, je vous ai pas dit ! J’ai eu  et 36 ans et demi hier ! Ca fait quelque chose !

Ben oui, comme une dame me disait, «  je suis de novembre aussi, on a jamais envie de fêter son anniversaire en novembre, on devrait fêter nos et demi ».

« Hey ! Pas bête ça ! » Ai-je pensé.

Alors voilà, je fête mes et demi maintenant.

Oui, 36 ans et demi et déjà réac. Triste tableau et en même temps je me demande ce qu’il en est de ma génération.

Je ne connais pas tout le monde mais c’est vrai que des gens de mon âge, qui ont été enfants quand internet n’existait pas, qui payaient en francs, qui ne connaissaient personne ayant de téléphone portatif… étaient très loin de se dire qu’ils allaient dépenser un smic pour acheter un téléphone à reconnaissance biométrique pour partager des photos de leur repas et de leur chat à un nombre phénoménal d’ami.es virtuel.les et de commerciaux en embuscade en tentant d’éviter les tentatives de hameçonnage personnalisés issus de l’analyse de leur profil consommateur pendant que à peu près tous les scientifiques du monde qui n’ont pas été payés par une multinationale essaient d’expliquer à qui veut l’entendre que la vie sur terre est en train de devenir difficile voire impossible pour certain.es, du fait de notre mode de vie et de la manière dont quelques pays ont organisé leur société.

Hhhhhhh !! Attendez, je respire un peu…

Pardon j’ai encore fait une crise…

« Je vais bien, tout va bien, je vais bien, tout va bien… » « … Danny si tu nous entends… »

« Merchurochrome, le pansement des héros » « -50% sur tout le rayons charcuterie, profitez-en »… Dzzz Tz Tchhh Brrr

Oula, la machine s’emballe…

Oui c’est ça, en fait il fallait que je respire beaucoup…

Inspire… Expire…

Hhhha ! Un peu de pot d’échappement, ça revitalise !

« Echappez-vous avec les pots d’échappement ! »

Fhhhhouuuuuuuuu …

(C’est peut-être de là que vient le mot « fou », le son que l’on fait lorsqu’on tente de faire cesser toutes ces pensées « parasites » et de se retrouver en soi, reconstituer un peu d’enveloppe, à moins que ce soit le son de l’exaspération de celleux autour…)

Et oui, le son et la respiration. Quoi que je fasse j’en reviens toujours là.

Et puis le geste et puis la parole et puis la créativité et surtout l’imagination.

Je vous ai parlé de mon site : www.lesrevolutionsdelimaginaire.org ?

Si ce n’est pas le cas, il faut que je vous pose une question :

Connaissez-vous un ou des films qui se passent dans un futur qui fait envie ?

***

Vous voulez bien prendre un brin de temps pour réfléchir à cette question ?

Allez-y, prenez vraiment le temps.

Connaissez-vous un ou des films qui se passent dans un futur qui fait envie ?

***

Bon, et des films qui se passent dans un futur qui ne fait pas envie ? Vous en connaissez ?

***

Ah !

***

3e question : Pourquoi ?

Ne me dites pas, comme souvent, que c’est parce qu’il faut bien qu’il se passe quelque chose, que sinon il n y a pas d’histoire si tout va bien…  qu’il faut bien vendre…

A cela je réponds : Ok, mais ce n’est pas pour cause de besoin d’élément perturbateur que tout ne doit être qu’apocalypse totale, dictature technologique, catastrophe climatique, zombiland, société complètement psychotique et perverse, autodétruite dont les seuls survivants sont perdus quelque part dans un vaisseau…

Le genre qui marche le mieux en France, c’est la comédie…

Mais même, il pourrait y avoir un meurtre dans un futur qui fait envie… ahlala, tatatan mais que se passe t il ? Il faut faire un cercle de restauration et comprendre ce qui s’est passé, comment est-ce possible… etc.

Je ne sais pas moi ou une intrigue à la française, deux frères ne savaient pas qu’ils étaient frères, mais par la force du destin ils vont devoir accepter la nouvelle et coopérer pour sauver leur mère malade

Un truc du genre…

Vous connaissez la loi de l’attraction ? On va vers ce que l’on projette à l’intérieur de nous-même, c’est l’idée de cette « loi »… ben là, tu m’étonnes qu’on soit réacs à 36 ans et demi…

Moi je crois qu’il nous faut des mythes fondateurs communs, des récits, des contes qui nous réunissent vers ce que l’on veut vivre à l’échelle sociétale. Des white mirrors, enfin !

Parce que si dès qu’on regarde le reflet de notre société dans le miroir c’est carrément lugubre…

Vous imaginez, vous, à chaque nouveau coup d’œil dans le miroir vous avez un œil de cyborg en plus, des cheveux verdâtre, des vers qui sortent du nez…

Je ne sais pas comment on fait avec les pervers psychotiques qui occupent de nombreux postes d’influence, qui prennent des décisions marketting pour le groupe que nous formons en tant qu’humains, citoyens, etc. et qui peuvent éventuellement nous envisager comme des proies échangeables, ceux que Nicolas Framont appelle des Parasites dans son livre éponyme que je ne peux que recommander (attention choc, extrêmement sourcé).

Mais ce que je sais, c’est que lorsque je vais faire mes micros trottoirs pour écouter les réponses à la question « Comment vous voyez une société idéale, dans l’avenir ? », 100% des gens interviewés qui sont pourtant issus de milieux volontairement très différents répondent quelque chose de tout à fait altruiste, souhaitant le bonheur de tous.tes, la fin de la souffrance ou sa minimisation, le respect du vivant, etc.

Et ça, je le sais maintenant, c’est à l’intérieur de tout le monde. Certains se le font masquer par l’éducation, les traumatismes, etc. mais tous les enfants intérieurs du monde veulent être aimés et que tout le monde soit heureux, même les animaux, même les plantes, respirer un air sain, boire de l’eau fraîche et bonne, partager des rires, des jeux, des danses, de la beauté, du bien et du bon.

On a tous des besoins. Et peut-être sans en faire une pyramide, on peut classer ces besoins, à la louche, en plus ou moins vitaux.

En premier, respirer. Donc on devrait tout faire pour respirer de la meilleure manière un air le plus sain et vivant possible.

En deuxième, boire de l’eau. Donc on devrait tout faire pour préserver les sources, les nappes phréatiques, prendre de soin de nos sol et sous-sol dans lesquels se trouve toute notre eau potable et tout faire pour qu’elle reste gratuite et accessible à tous.tes en toute occasion.

En troisième, dormir. Oui je le pense avant manger car je crois que l’on peut survivre presque un mois (des fois beaucoup plus apparemment) sans manger tandis que je ne pense pas que l’on survive à un mois sans sommeil. Donc on devrait tout faire pour préserver notre sommeil et permettre à chacun.e un sommeil de qualité, le meilleur sommeil possible.

Cela va évidemment avec l’idée d’avoir un endroit à la bonne température et dans lequel on est en sécurité, donc c’est aussi l’idée d’habiter. Donc on devrait tout faire pour permettre à chacun d’avoir un habitat sain pour les habitant.es elleux-même mais aussi pour l’environnement dans lequel s’intègre l’habitation. Exemple inverse : les pompes à chaleur ou les clims donnent la bonne température aux habitant.es mais vident le sol de toute vie et/ou rejettent un air qui augmente l’inconfort de chacun.e vis-à-vis de la température (air gelé quand il fait froid, air bouillant quand il fait chaud).

En quatrième, manger. Donc on devrait tout faire pour que chancun.e puisse se nourrir de la manière la plus saine et la plus vivante possible.

« C’est pas compliqué de bien manger ! » …

Fhhhouuuuuuu

Voilà, sauf que là, va savoir pourquoi, on fait passer la destruction de la forêt amazonienne et la monétisation de la fonte du permafrost avant … ben tous les besoins vitaux précédemment cités.

Attention, encore une fois, quand je dis « on », bien sûr que je ne pense pas que vous à qui j’écris ce mail ne vous placiez dans cet ordre de priorité, ni même que si vous étiez à des postes ou des rôles qui vous permettraient de prendre de telles décisions vous décideriez volontairement de percer ce que l’on a toute mon enfance appelé le poumon de la Terre ou que vous accélèreriez ce qui a priori devrait rendre invivable pour les humain.es une grande partie de la planète, à savoir la fonte des glaces millénaires.

Mais cela dit, comment s’orientent vos priorités, vous à qui j’écris ?

Est-ce qu’elles font passer les 4 besoins cités plus haut en premier ou… pas ?

Ou est-que vous aussi vous sciez tranquillement la branche sur laquelle vous êtes assis.e ou regardez tranquillement la branche sur laquelle vous êtes assis.e se faire scier, avec un petit supplément sifflotement ?

Je dis ça c’est une vraie question. C’est pas pour donner des leçons à qui que ce soit. Moi, pour tout vous dire, je sifflote quand même pas mal…

Et là aussi, je crois que cette schizophrénie-là, elle est pas mal répandue, dans ma génération et dans les autres…

Bon, ben désolé, je voulais parler de musique mais je crois je vous ai déjà assez embêté.es comme ça.

En même temps… au sens médiéval qui fantasme sur les grecs du terme, la Musica, c’est avant tout l’harmonie qui régit l’univers entier, au sens cosmogonique. La musica c’est ce qui fait que toutes ces étoiles que l’on voit la nuit dans la voûte céleste et qui ont des planètes qui leurs tournent autour et des satellites comme la lune (bon je ne sais pas si la pensée médiévale envisageait les satellites et tout ça…) etc. Tout cela tient en harmonie et produit une musique qui n’est pas perceptible à l’humain… L’harmonie des sphères…

Vient ensuite la musica humana, qui est la musique du corps humain, celle que l’on ressent mais que l’on n’entend pas vraiment non plus, sauf si on l’écoute attentivement peut être … Equilibre si précieux, magique, complexe, insondable parfois, quel cadeau que ce vaisseau pour notre existence quand on y pense…

Et enfin la musica instrumentalis, ce que nous appelons aujourd’hui en croyant dire un grand mot « la Musique ».

Voilà, j’ai dit.

J’espère que cette lecture vous a donné plus d’élan que de contrariétés, vous a peut être nourri quelque part et donné un peu de vie ou d’allant.

Et pour la photo de ma salade avec des pommes, je vous laisse le plaisir de l’imaginer.

Adiu lo monde !

Loucas Estela Paulin Laborderie

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